Chers lecteurs et chères lectrices,

Il y a 25 ans, le monde regardait ailleurs tandis que près d’un million de Rwandais, majoritairement Tutsis, se faisaient massacrer. Le Rwanda commémorait cette semaine ces 100 jours de pure horreur. La Conversation publie un article fascinant de la professeure en psychologie cognitive de l’UQTR, Isabelle Blanchette, sur la manière dont le génocide a affecté la mémoire et les souvenirs des survivants. Elle revient tout juste du Rwanda, où elle a assisté aux cérémonies commémoratives. Depuis 2014, son équipe et elle ont rencontré plus de 650 Rwandais. Une personne sur deux dit penser au génocide au moins une fois par semaine, une personne sur cinq, à tous les jours. Au-delà du choc post-traumatique, le cerveau des rescapés a été durablement affecté. Il faudra s’y intéresser de près afin de construire une paix durable, écrit-elle. 

De son côté, Chigbo Arthur Anyaduba, assistant professeur à l’Université de Winnipeg, a analysé ce que la littérature a dit de cette tragédie. Les essais, romans, témoignages parlent d’une descente aux enfers, d’un voyage au coeur des ténèbres. Comme si le génocide ne pouvait pas être un acte entièrement humain. « Se représenter le génocide comme étant l'enfer suggère que les horreurs ne sont pas entièrement concevables, écrit-il. On ne peut les imaginer que sous une forme symbolique. » Et on occulte ainsi sa dimension politique. Le mystère plane toujours sur les circonstances de l’événement qui a déclenché ce génocide -par ailleurs bien planifié : l'assassinat le 6 avril 1994 des présidents du Rwanda et du Burundi. Leur avion a été abattu par un tir de missile. 

Nous avons publié deux nouvelles analyses de la Loi 21 sur la laïcité de l’État. Tout d’abord, Micheline Labelle, professeur émérite en sociologie à l’UQAM et experte des mouvements migratoires, rappelle que les migrants ne forment pas un bloc homogène au Québec, pas plus que la société d'accueil, par ailleurs. Si certains rejettent la Loi 21, d'autres l'approuvent. Aura-t-elle des conséquences sur l’immigration au Québec? Pas vraiment. « Les pays européens qui ont adopté un modèle de laïcité n’ont pas vu diminuer les entrées régulières et irrégulières. » 

De son côté, Omar Aktouf, professeur à HEC-Montréal, a pris un tout autre angle pour aborder la question de la laïcité : avant de se soucier de séparer le politique du religieux, l'État devrait d'abord s'affranchir de ce nouveau clergé moderne qu'est l'économie néolibérale, écrit-il. Devant la montée des inégalités, les histoires de kippas, de croix ou de tchadors ne sont qu’artéfacts bien secondaires. « La laïcité a, historiquement, plus à voir avec des révoltes contre l’exploitation des peuples, les inégalités et les injustices, que le seul retrait du religieux par rapport au politique. » 

Tomberons-nous un jour amoureux d'une IA? Elles risquent de devenir de plus en plus attachantes, estime François Richer, professeur en neuropsychologie à l’UQAM. Mais la combinaison de la technologie et des émotions pourraient ouvrir la porte à des abus importants. « Une IA qui provoquerait un attachement intense devrait susciter des inquiétudes », écrit-il, notamment dans la cueillette d’informations personnelles. « Il faudra prévoir des normes et des règles pour ne pas devenir victimes de nos créations. » 

On connaît tous le vieil adage qui veut qu’une aspirine tous les jours éloigne les maladies cardio-vasculaires. Eh bien, ça n’est plus vrai. L'aspirine a une faible valeur ajoutée, révèlent plusieurs études. Mais changer les pratiques médicales et les attentes des patients, c'est long, complexe et chargé d'émotions. Sans oublier la simple force d'inertie, écrit Inderveer Mahal, médecin de famille et chercheure affiliée à l’Université de Toronto.

Malgré une rechute de l’hiver, on peut dire que le printemps est arrivé par l’afflux de vélos dans nos rues. Montréal, nous dit Colin Ferster, de l’Université de Victoria, est la meilleure ville au pays pour se promener sur deux roues. Mais comme toutes les autres villes canadiennes, ses données ne sont pas toujours à jour. D'où la pertinence des données ouvertes, et d'un site comme OpenStreetMap, où tous peuvent collaborer. « Et ce sont les cyclistes eux-mêmes qui sont les meilleurs pour cartographier les pistes cyclables de leurs villes », écrit-il. 

Autre signe du printemps: Les Canadiens sont éliminés et ne participent pas aux séries. Et Les Canadiennes, le club de la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF) disparaissent, tout comme leur ligue. Et si cette fermeture était un catalyseur de changement ? C'est ce que croit Julie Stevens, de l'Université Brock. Cela ouvre la porte à de nouvelles possibilités innovatrices pour le hockey professionnel féminin, écrit-elle, en forçant « d'autres acteurs à proposer de  nouveaux modèles, ce qui s'est produit à maintes reprises dans le passé pour le hockey professionnel masculin. » Les Canadiennes pourraient renaître bientôt, tout comme le CH pourrait faire les séries... un jour. 

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

À la une

Des Rwandais, assis dans les tribunes, tiennent des bougies dans le cadre d'une veillée aux chandelles lors du service commémoratif au stade Amahoro, dans la capitale Kigali, le 7 avril. Le Rwanda commémore le 25e anniversaire du génocide qui a vu près d'un million de Tutsis et de Hutus modérés massacrés en 100 jours. AP Photo/Ben Curtis

Rwanda: comment le génocide a affecté le cerveau des survivants

Isabelle Blanchette, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Au delà du choc post-traumatique, les rescapés du génocide rwandais font face à des défis cognitifs et à une modification de leur mémoire.

Intérieur de l'église Sainte-Famille, qui a été le théâtre d'assassinats collectifs lors du génocide de 1994 au Rwanda. EPA/Ahmed Jallanzo

Le génocide rwandais, comme une vision de l'enfer

Chigbo Arthur Anyaduba, University of Winnipeg

Se représenter le génocide comme l'enfer suggère que les horreurs ne sont pas concevables. On ne peut les imaginer que symboliquement. Or, il s'agit de violences provoquées par des événements politiques.

Des enfants syriens s'amusent alors qu'ils attendent leur cours d'immersion française, à Montréal. Les immigrants ne forment pas un bloc homogène au Québec, et si certains rejettent la Loi 21, d'autres l'approuvent. La Presse Canadienne/Ryan Remiorz

Loi sur la laïcité: quel impact sur l'immigration actuelle et future?

Micheline Labelle, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Les immigrants ne forment pas un bloc homogène au Québec, pas plus que la société d'accueil. Si certains rejettent la Loi 21, d'autres l'approuvent.

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Laïcité, vous dites? Séparez d’abord l’argent de l’État!

Omar Aktouf, HEC Montréal

La laïcité a, historiquement, plus à voir avec des révoltes contre l’exploitation des peuples, les inégalités et les injustices, que le seul retrait du religieux par rapport au politique.

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Demain, tomberez-vous amoureux d'une Intelligence artificielle?

Francois Richer, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Tomberons-nous amoureux un jour d'une IA? Elles risquent de devenir de plus en plus attachantes... Mais la combinaison de la techno et des émotions pourraient ouvrir la porte à des abus importants.

Une aspirine par jour? C'est dépassé. Mais votre médecin l'ignore peut-être. Changer les pratiques médicales et les attentes des patients, c'est long, complexe, chargé d'émotions. Sans oublier la simple force d'inertie. Shutterstock

Ce qu'on sait désormais sur l'aspirine, et pourquoi votre médecin tarde à s'en rendre compte

Inderveer Mahal, University of Toronto

L'aspirine a une faible valeur ajoutée. Mais changer les pratiques médicales et les attentes des patients, c'est long, complexe et chargé d'émotions. Sans oublier la simple force d'inertie.

La piste cyclable de la rue Maisonneuve, à Montréal. La ville compte le plus grand kilométrage de pistes cyclables au Canada. Shutterstock

Les meilleures cartes de pistes cyclables sont faites… par les cyclistes

Colin Ferster, University of Victoria; Meghan Winters, Simon Fraser University

Les villes ne tenant pas leurs données à jour, ce sont les cyclistes eux-mêmes qui sont les meilleurs pour cartographier les pistes cyclables de leurs villes.

Des membres des Canadiennes de Montréal posent avec la Coupe Clarkson, au lendemain de leur victoire, en mars 2017, à Brossard. La Presse Canadienne/Ryan Remiorz

La mort de la LCHF est une nouvelle opportunité pour le hockey féminin

Julie Stevens, Brock University

La fermeture de la LCHF force d'autres acteurs à proposer de nouveaux modèles, ce qui s'est produit à maintes reprises dans le passé pour le hockey professionnel masculin.