Chères lectrices, chers lecteurs,

Aurez-vous le temps, durant ces vacances des Fêtes, de faire tout ce que vous avez planifié? Sans doute pas. Chercheur en philosophie à l’Université de Montréal, Mario Ionuț Maroșan nous propose une réflexion sur ce temps qui semble toujours nous manquer. Les immenses progrès technologiques de notre siècle et du précédent, de la voiture à la machine à laver en passant par les robots et l’intelligence artificielle, nous ont fait miroiter une vie libre de taches ardues, répétitives et coûteuses en temps. Mais qu’avons-nous fait de ce temps ainsi économisé? Nous l’avons rempli à ras bord de nouvelles obligations et tâches. Ainsi, au lieu de répondre à trois lettres manuscrites par semaine, nous le faisons à cent courriels par jour. La technologie ne nous a rendus que plus productifs et voilà le grand paradoxe, écrit Maroșan, qui qualifie le phénomène de famine temporelle.

Alors que l’on se demande encore, deux mille ans plus tard, qui était réellement Jésus, dont les chrétiens célèbrent la naissance dans quelques jours, on peut avoir au moins une certitude : il n’avait ni les cheveux blonds ni les yeux clairs. Or, la représentation la plus vue, connue et répandue du Christ (500 millions de reproductions!) est celle, justement, d’un homme de type nordique. C’est ainsi que le peintre américain Warner Sallman l’a imaginé au début du 20e siècle. «Il a influencé la manière dont de nombreux chrétiens du monde entier s’imaginent Jésus, pour le meilleur et pour le pire», écrit Matthew Robert Anderson, professeur de théologie à l’Université Concordia. Rien d’étonnant à cela : les Occidentaux aimaient à se représenter le Christ à leur image. Tout comme on verra apparaître le même dieu sous des traits africains, asiatiques ou latinos. «La manière dont les chrétiens s’imaginent Jésus, que ce soit dans l’art bidimensionnel ou tridimensionnel, en dit beaucoup sur la façon dont ils perçoivent Dieu», écrit Sallman. 

Comment les petits enfants peuvent-ils croire au père Noël, malgré les absurdités et invraisemblances de la chose?, demande Rohan Kapitany, de l’Université Keele. Parce que les grands mettent le paquet pour qu’ils y croient! Le père Noël existe forcément, pensent les petits, sinon, pourquoi leurs parents se donneraient tant de mal (installer un sapin dans la maison, déposer du lait et des biscuits sous la cheminée, envoyer des lettres) s’ils n’y croyaient pas eux-mêmes. Logique tout ça. «Ce n’est pas tant que les enfants soient confus par rapport au réel, mais plutôt qu’ils réagissent aux nombreux indices que nous leur proposons.» 

Naturel ou artificiel? C’est LE débat récurrent durant la période des Fêtes. Votre sapin a-t-il grandi dans la forêt ou a-t-il été fabriqué dans une usine chinoise? Quelle option est la plus écologique? Car oui, faire pousser puis arracher un sapin à son environnement naturel laisse aussi sa marque carbone, quoique bien moindre que le chlorure de polyvinyle utilisé dans la plupart des arbres artificiels, explique Warren Mabee, de l’Université Queen’s. Cela dit, une autre raison vient perturber notre prise de décision, soit la pénurie de sapin naturel et son coût plus élevé. Les raisons: le ralentissement économique de 2008, les changements climatiques et des infestations d'insectes. Et ça n’ira pas en s’améliorant.

Un peu plus d’un an s’est écoulé depuis l’annonce sensationnelle de la naissance des premiers bébés dont le génome a été modifié grâce à la technologie CRISPR. Depuis, au grand regret des uns et au soulagement des autres, il n’y a plus eu de telles annonces, écrit Françoise Baylis, de l’Université Dalhousie, qui s’en réjouit. Cela est attribuable aux mesures discrètes, mais efficaces, prises par l’Organisation mondiale de la santé ainsi que par la Chine et la Russie, toutes deux au cœur des expériences. Car les dérapages étaient à nos portes! «Nous avons besoin de temps pour réfléchir attentivement au genre de monde dans lequel nous voulons vivre. Il est impossible de bien faire ce travail si les scientifiques se lancent impudemment dans la fabrication de bébés génétiquement modifiés.»

Bon d’accord, ce n’est pas LEUR saison, celle où ils tourbillonnent autour de nous et nous piquent à l’occasion, mais il est toujours temps d’en connaître un peu plus sur la vie secrète et somme toute, très écolo, des moustiques. La très grande majorité des 3 500 espèces qui foisonnent sur Terre ne sont pas du tout intéressées par le sang des humains ou de tout autre animal, explique Daniel A.H. Pearl, de l’Université de la Colombie-Britannique. Par contre, ils rendent de très grands services à l’environnement. «Les moustiques ont des relations complexes et essentielles avec les plantes. Comprendre leur travail en tant que pollinisateurs aiderait à comprendre leur rôle dans les différents écosystèmes.» Dans un monde où ils s’effondrent, nous avons besoin de toute l’aide possible, écrit Pearl.

Sur ce, je vous souhaite de très joyeuses Fêtes, remplies de lectures et de conversations passionnantes. Je vous retrouve la semaine prochaine pour un bilan de l’année qui s’achève avec les dix articles qui l’auront marquée sur La Conversation.

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

À la une

Nous ne disposons jamais d’assez de temps, alors que nous en gagnons toujours plus grâce à la technologie. C'est que nous avons toujours plus de tâches à accomplir. Shutterstock

Nous manquons de temps, car nous avons de plus en plus de choses à faire !

Mario Ionuț Maroșan, Université de Montréal

Nous ne disposons jamais d’assez de temps, alors que nous en gagnons toujours plus grâce à la technologie. Voilà le grand paradoxe : nous avons toujours plus de tâches à accomplir.

L'image de Jésus de Warner Sallman, reproduit des millions de fois, a rejoint la publicité américaine et la production de masse. Warner Sallman/collage par The Conversation

Voici comment le Jésus que vous connaissez le mieux est devenu un blond aux yeux clairs

Matthew Robert Anderson, Concordia University

Warner Sallman a influencé la manière dont de nombreux chrétiens du monde entier s’imaginent Jésus, pour le meilleur et pour le pire.

Qui donc l’a inventé? Shutterstock

Voici la vraie raison pour laquelle les enfants croient au père Noël… selon la science!

Rohan Kapitany, Keele University

Noël et son père Noël peuvent nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes et sur notre appréhension du réel.

Le Canada a importé plus de 60 millions de dollars d'arbres artificiels en 2017, presque tous de Chine. Shutterstock

Le grand débat de Noël : vaut-il mieux acheter un sapin naturel ou artificiel ?

Warren Mabee, Queen's University, Ontario

Les arbres de Noël naturels sont en pénurie cette année en raison du ralentissement économique de 2008, des changements climatiques et des infestations d'insectes.

Andrew Scheer se lève pour annoncer qu'il quitte son poste de chef du Parti conservateur à la Chambre des communes à Ottawa. La Presse Canadienne/Adrian Wyld

Même sans Andrew Scheer, les valeurs de droite sont profondément ancrées chez les conservateurs

Marc Lafrance, Concordia University

Les problèmes de conservatisme social du Parti conservateur ne seront pas résolus uniquement par l'élection d'un nouveau chef. Une approche entièrement nouvelle est nécessaire.

Autrefois controversée, la correction génomique est maintenant fortement réglementée par l’Organisation mondiale de la santé et divers gouvernements. Shutterstock

Un an après les premiers bébés CRISPR, des normes plus strictes sont en place pour éviter les dérives

Françoise Baylis, Dalhousie University

Un an après l’annonce des premiers bébés CRISPR, des changements dans les politiques et les règlements ont fait en sorte qu’il n’y a pas eu de nouvelles annonces depuis.

Les moustiques jouent un rôle très important en tant que pollinisateurs. shutterstock

La vie étrange, secrète - et très écolos - des moustiques dévoilée

Daniel A.H. Peach, University of British Columbia

Les moustiques ont des relations complexes et essentielles avec les plantes. Comprendre leur travail en tant que pollinisateurs aiderait à comprendre leur rôle dans les différents écosystèmes.