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Pourquoi écrire un numéro spécial pour la Journée Internationale de la Femme (JIF)?

Nous avons voulu faire quelques petites choses aujourd'hui pour la JIF, dont l'une était d'explorer certaines questions sur l'égalité des sexes au cœur de notre activité. L'industrie extractive a des impacts sur les femmes de façon spécifique et indésirable. Si tous les citoyens peuvent réellement bénéficier de l'exploitation des ressources naturelles, cette dimension de genre doit être prise en compte. D'ailleurs, il y a encore trop peu de femmes ayant un pouvoir de décision quand il s'agit de gouvernance des ressources naturelles.  Il est crucial que les femmes aient une place dans le débat si nous voulons que leur opinion soit véritablement intégrée dans les réponses aux défis posés par les projets d'extraction.

En plus de mettre l'accent sur ces questions, nous avons également souhaité célébrer nos membres.  Célébrer le fait que nous avons déjà, beaucoup femmes dirigeantes fantastiques. Nous avons donc discuté avec nos coordinatrices de la raison pour laquelle elles font campagne sur ce thème, les défis et les opportunités auxquels elles sont confrontées dans leur travail et pourquoi une perspective de genre est essentielle dans ce domaine.  La rédaction de ces paragraphes n'a été possible que grâce à leur temps, leur expertise et leurs commentaires.

Enfin, nous avons voulu souligner le fait que la sexospécifité va devenir un thème de travail de plus en plus important pour Publiez Ce Que Vous Payez au cours des années à venir. Nous avons collaboré avec les femmes de l'ONU pour travailler ensemble sur cette question en 2013 et au-delà.  Ensemble, nous sommes en train d'organiser un premier petit atelier à multiples intervenants qui se tiendra au mois d’Avril. Celui-ci permettra de conduire une analyse sexospécifique de notre Chaîne pour le changement et d'évaluer les lacunes à partir desquelles nous concevrons un programme à plus long terme. Le partenariat avec les femmes de l'ONU répond à l'initiative prise lors de l'anniversaire de PCQVP à Amsterdam de mettre en place un réseau informel de femmes membres de PCQVP. Ceci a été codirigé par l'ancienne membre de PCQVP Leonie Kiangu qui travaille désormais pour le Secrétariat de l'ITIE en RDC. Léonie et ses collègues publie également des bulletins d'informations, ecrit du point de vues des femmes. Ceux-ci sont disponibles ici.

Rencontrez les coordinatrices!

Merci à toutes ces coordinatrices pour leur aide dans ce bulletin!

Maryati Abdullah - Coordinatrice PCQVP, Indonésie

Ainsi qu'être coordinatrice nationale pour l'Indonésie, Maryati est dans le GMP de l'ITIE au niveau national.

Cielo Magno - Coordinatrice PCQVP, Philippines

Cielo Magno est coordinatrice nationale de Bantay Kita, la coalition affiliée à PWYP aux Philippines, et membre de l’Action pour les réformes économiques.

Faith Nwadishi - Coordinatrice PCQVP, Nigeria

Faith est aussi Directrice Executive de la Fondation Koyenum Immalah. Elle fut récemment élue au GMP de l'ITIE au Nigeria.

Kady Seguin - Directrice Intérimaire, Canada

Kady coordonne l'engagement politique et les efforts de recherche dans le secteur de la transparence et la bonne gouvernance du secteur extractif canadien, et soutien le renforcement de capacité chez les partenaires de PCQVP.

Claire Spoors – Coordinatrice PCQVP, Australie

Claire Spoors mène la campagne pour le reporting financier obligatoire et la mise en œuvre complète de l'ITIE au Canada. Claire fut coordinatrice du plaidoyer changement climatique à Oxfam Australie.

Aminata Barry Toure - Presidente de PCQVP Mali

Aminata est la presidente de la coalition malienne. Elle est aussi coordinatrice de l'AP/Mali. 

L'impact des industries extractives sur les femmes

La pression repose sur les femmes, ce sont elles qui doivent prendre soin de leurs maisons et de leurs enfants, dans l'espoir que leurs enfants aient une vie meilleure.

Faith Nwadishi

Les impacts négatifs potentiels des projets d'extraction sur les communautés sont évidents. Ils incluent la pollution, la perte de terres, les conflits sociaux, etc... Ce qui est également de plus en plus évident est que les femmes sont souvent les premières à être touchées par ces impacts, les premières victimes des effets négatifs de l'exploitation minière.

Nos coordinateurs qui ont travaillé avec les communautés sur ces questions et ont été les premiers à apprécier l'étendue des problèmes ont pu nous expliquer comment ces effets se manifestent.

Aminata a présenté le travail que sa coalition avait fait sur l'exploitation minière et l'impact sur les femmes.  « Selon les études que nous avons menées, l'un des problèmes essentiels réside dans le fait que les travailleurs et les étrangers inondent avec leur argent et par conséquent le coût de la vie augmente dans les villes minières. Le prix des produits triple et les femmes, dont le rôle est d'acheter tous les biens domestiques, peinent à nourrir leurs familles et acheter des produits alimentaires de base.»

Ce problème est aggravé par le fait que les femmes sont les premières à perdre leur gagne-pain.  Au Mali et au Nigeria par exemple, les femmes ont tendance à être agricultrices. Lorsque la terre est occupée par un projet d'extraction, les femmes perdent le terrain sur lequel elles travaillent. En revanche, comme le souligne Claire Spoors, alors que les femmes perdent leur emploi, les hommes peuvent bénéficier davantage des emplois créés suite à l’ouverture d'une mine – ceci mène à, ou bien contribue, au renforcement de l’inégalité entre les sexes.  Bien que les Accords de développement communautaire comprennent souvent un certain type de disposition pour l'emploi au niveau local, Faith a expliqué que concernant le Nigeria, ces emplois ont très rarement été traduits en opportunités pour les femmes.

Une autre tâche qui revient traditionnellement aux femmes est la corvée d'eau pour leurs familles. Toutefois, lorsque les masses d'eau sont pollués, comme c'est souvent le cas à proximité des projets d'extraction, les femmes doivent aller plus loin pour obtenir cette eau. Faith a décrit des femmes qui doivent « patauger dans les déversements, à travers la ferraille et le pétrole brut » afin de récupérer de l'eau pour leurs familles, au détriment de leur propre santé. Comme Maryati l'a souligné, elles courent aussi un risque plus élevé d'exposition aux produits chimiques dangereux, tels que le mercure ou les agents de surface.

Comme Cielo nous l’explique, la croissance de travailleurs temporaire peut augmenter le danger de violence pour les femmes. L’afflux qu’apportent les projets extractif, en termes d’argent disponible et  de prostitution, contribue à la propagation de MST, y compris le VIH/SIDA.

Un grand nombre de travaux intéressants ont déjà été réalisés sur cette question. L'Oxfam Australie a mené une étude en 2009 sur les impacts sexospécifiques de l'exploitation minière et le rôle des études d'impact selon le genre. La Banque Mondiale a beaucoup de ressources intéressantes sur ce sujet. Ce n'est que la pointe de l'iceberg, mais c'est un bon endroit pour commencer si vous voulez en savoir plus.

Nous allons aussi bientôt publier un article écrit par un de nos membres en RDC qui a visité la ville minière de Mukungwe au Sud-Kivu. Dans l’article, elle parle des différents moyens trouvés par les femmes pour générer des revenus, la structure de la ville et plus généralement à quoi ressemble la vie des femmes vivant à côté de ces projets d'extraction.

Bien que l'étude des impacts de l'exploitation minière sur les femmes n'est pas entièrement nouveau, il reste encore beaucoup de travail à faire. Comme Kady a dit, les « conséquences sociales et économiques de l'industrie extractive impliquent que les femmes soient mieux comprises, si nous voulons identifier les moyens par lesquels nous pouvons accroître les opportunités des femmes et minimiser les impacts négatifs ».

Travaillez dans un monde d'homme

Vous êtes assis dans une salle de conférence remplie de personnes qui discutent de la gouvernance des ressources naturelles. Vous remarquerez peut-être une douzaine de femmes dans la salle (une salle remplie de soixante costume-cravates). Pourtant, inévitablement vous savez qu'on annoncera fièrement combien ils sont heureux que beaucoup de femmes soient ici présentes.

En effet, le domaine de la gouvernance des ressources naturelles peut être un domaine assez masculin. Nous avons parlé à nos coordinateurs sur ce que signifie de travailler (et diriger) dans un domaine dominé par les hommes ...

La première réaction a été de souligner que le secteur des industries extractives est certainement dominé par les hommes, mais que le secteur des OSC (Organisations de la Société Civile) ne l'est pas.  En revanche, les chiffres peuvent parfois basculer dans l'autre sens, avec plus de femmes que d'hommes présents. Malgré cette observation, quand nous parlons de positions de leadership ou sur les conseils, l'histoire en est une autre, avec les femmes en minorité. 

Pourtant, quand nos coordinateurs ont été confrontés à une assistance entièrement masculine (ou presque), cela n'a fait que conforter leur volonté de « s'assurer que ma voix et mon point de vue seraient entendus » (Kady). Bien qu'il existe une tendance à sous-estimer les jeunes femmes, Claire a fait remarquer qu'il est possible de l'utiliser à votre avantage car les gens sont pris au dépourvu.

Parfois, une arène d’hommes signifie que vous devez être deux fois plus efficace pour réussir.  « Il s'agit de fixer vos objectifs et là où vous voyez les hommes réussir, faire en sorte que vous réussissiez aussi » dit Faith. Toutefois, elle a poursuivi en disant que ce n'est pas toujours la peine de s'enliser dans des détails de genre, parfois il faut juste aller de l'avant et « faire ce que vous avez à faire », peu importe que vous soyez un homme ou une femme.

Pour Cielo, « Je sais que je peux gagner le respect de mes collègues si je suis dédiée, décisive et intelligente. Ces caractéristiques aident à briser les stéréotypes à propos des femmes et aideront à créer le respect pour les femmes ».

Aminata nous a parlé des difficultés qu'elle a rencontrées, parfois en tant que leader.  En particulier, les membres masculins de la coalition ont parfois eu du mal à accepter d'avoir une dirigeante et une femme qui prennent les décisions. Aminata a constaté que grâce à une communication et une écoute constante et de la patience, elle a néanmoins réussi à faire accepter ses actions et que son leadership soit reconnu au Canada. L'une des solutions les plus efficaces, a t-elle dit, a été de fournir des résultats et en grande quantité. Il est plus facile de faire entendre sa voix lorsqu'on a fait ses preuves en tant que personne engagée et efficace dans son travail. Pourtant, malgré ce résultat positif, il est frustrant de constater que les choses semblent prendre deux fois plus longtemps et nécessitent deux fois plus d'efforts et de diplomatie, du fait d’être une femme.

L'histoire d'Aminata reflète de nombreux éléments soulevés dans notre conversation sur les compétences de gestion et d'encadrement. La capacité d'écoute, la communication et la facilitation ont été considérés comme les atouts indispensables d'un leader.  Maryati a expliqué qu'un leader doit avoir une certaine sensibilité pour être en mesure de bien interagir avec les gens. Plusieurs de nos coordinateurs ont souligné le rapport tendu entre le besoin de s'affirmer et d'avoir confiance en soi et l'humilité nécessaire pour admettre ses erreurs et être prêt à accepter l'opinion des autres. Comme Faith l'a si bien dit, « Il faut de l'humilité pour apprendre.  Il faut de l'humilité pour diriger ».  Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas être fort et confiant ; tout réside dans l'équilibre.

Diriger « en tant que femme dans un monde d'hommes » n'est certainement pas une mince affaire. 

Mais lorsque les choses deviennent difficiles, les sources d'inspiration ne manquent pas.

Claire a souligné qu'elle « a d'excellents mentors, qui me donne mon inspiration, ce qui m’a aidé à mener la campagne».

Comme Kady l'a dit, « Au sein de PCQVP nous avons une multitude d'exemples différents de femmes fortes et courageuses pour puiser son inspiration. Elles sont par ailleurs une source puissante d'émancipation pour beaucoup de femmes de la coalition ».

Une place à table

Il est essentiel que de plus nombreuses femmes exercent un pouvoir décisionnel, car ce n’est qu’alors que les solutions politiques refléteront véritablement les intérêts et les besoins des deux sexes. Comme le dit Claire, « si l’on écarte un groupe qui représente 50 % de la population, il y a des choses que l’on oublie».

Des études ont montré que la participation des femmes aux accords de paix contribue fortement à une paix plus efficace et plus durable. Pourrait-on en dire de même lorsqu’une entreprise du secteur extractif et une communauté s’asseyent ensemble pour négocier ? Si les femmes sont exclues de ces opérations, elles ne peuvent pas faire connaître leurs besoins ni leurs problèmes. De plus, cette habitude qui consiste à exclure les femmes des négociations (que l’on rencontre également lorsque les entreprises versent des indemnités) renforce l’inégalité. 
Cette disparité n’est pas l’apanage de l’ITIE ou des OSC, mais elle se rencontre aussi dans l’industrie, et même sous une forme extrême. La moitié des sociétés minières du FTSE 100 ne comptent pas une seule femme au sein de leur Conseil d’administration. Autrement dit, comme le fait si bien remarquer la ministre britannique de l’Égalité des sexes Jo Swinson, les trois quarts des entreprises du FTSE 100 qui ne comptent pas une seule femme au sein de leur Conseil d’administration sont des sociétés minières.

Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir pour que la gouvernance de l’industrie extractive ne soit plus exclusivement une affaire d’hommes.

En ce moment, seulement  20% des représentants de la société civile sur le conseil sont des femmes.  Le mois de mai  - avec les élections pour le nouveau conseil de l’ITIE - nous donne l’occasion de rectifier l’affaire.