Chères lectrices, et chers lecteurs,

Quelque 5 000 congressistes venus de partout, 2 500 communications scientifiques, plus de 200 colloques… C’était cette semaine le congrès annuel de l’ACFAS, son 87e, qui se tenait à Gatineau. En vedette : l’avenir de l’université du 21e siècle, la diffusion de la science et sa démocratisation. En plein dans la mission de La Conversation! Nous y étions, et nous avons fait le plein de rencontres et découvert des sujets prometteurs que vous pourrez lire bientôt -nous l’espérons! Professeurs, à vos claviers!

Un des sujets abordés en plénière à Gatineau: Ebola et son impact sur la santé mentale des communautés touchées. Nous avons justement un article cette semaine sur ce terrible virus, qui sévit présentement en RDC. Un des coordinateurs principaux de la lutte contre l’Ebola au Liberia (foyer de la dernière épidémie), Mosoka Fallah, estime qu’il faut combattre la maladie par des solutions radicales. Parmi elles : drogue illégale, détournement de nourriture et implications de bandes rebelles ! Pas le choix. « La tragédie est évidente. Et le risque de contagion aux pays voisins ainsi qu’une internationalisation possible sont des perspectives terrifiantes. » 

Toujours sur le thème de la catastrophe… Parlons de Tchernobyl, qui fait l’objet d’une spectaculaire télésérie produite par HBO et diffusée en ce moment. Tous ceux qui étaient sur cette terre en mai 1986, et en âge de comprendre ce qui se passait, se souviennent du nuage radioactif qui flottait au-dessus de l’Europe. On apprenait alors que l’URSS, derrière le rideau de fer, combattait depuis des jours la Mère des accidents nucléaires, en catimini… Flottait alors un parfum de fin du monde. Eh! bien, 33 ans plus tard, des chercheurs européens, parmi lesquels l’Espagnol Germán Orizaola, de l’Université d’Oviedo, sont allés constater l’état de la faune et de la flore dans la zone contaminée. Surprise : la nature se porte fort bien merci! On recense bisons, ours bruns, chevaux, cigognes noires, quelque 200 espèces d'oiseaux et une végétation florissante. « En 33 ans, Tchernobyl est passée du statut de désert pour la vie à celui de zone d'intérêt pour la conservation de la faune », écrit Orizaola. Fait notable : l’endroit est interdit à tout être humain. « Il faut bien le dire : la pression exercée par les activités humaines s'avérerait plus négative à moyen terme pour la faune sauvage qu'un accident nucléaire. » Eh oui… 

Deux sujets santé cette semaine : d’abord, prendre un petit-déjeuner faible en glucides (mais néanmoins excellent) peut aider à réduire les fringales plus tard dans la journée – une stratégie simple et efficace non seulement pour les personnes souffrant de diabète de type 2, mais pour quiconque désirant améliorer son alimentation, écrit Jonathan Little, de l’Université de la Colombie-Britannique.

Par ailleurs, la dépression guette les femmes qui ont de la difficulté à allaiter, rapporte Stephanie Liu, de l’Université d’Alberta. En tant que médecin de famille, elle a toujours encouragé les mères à allaiter. Mais lorsqu’elle-même est devenue maman, elle a vu comment la pratique de l’allaitement pouvait être difficile. Et dans pareil cas, plonger la nouvelle mère dans le désarroi… et parfois la dépression, comme le révèle une vaste étude. La pression est si forte sur les femmes, écrit Liu, elles se sentent inadéquates, incompétentes. 

La professeure Elaine Power, de l’Université Queen’s, s’insurge contre ce qui paraît à priori une bonne intention : afin de réduire les gaz à effet de serre, s’assurer que nos surplus alimentaires se retrouvent dans des organismes de bienfaisance plutôt que bêtement à la décharge. Bien, dit-elle, mais cette mesure prônée par le gouvernement canadien ne règle en rien le problème fondamental de l’insécurité alimentaire : la pauvreté. En fait, c’est une solution simpliste et moralement douteuse, écrit-elle. « Il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas atteindre nos objectifs de réduction du gaspillage alimentaire et des émissions de gaz à effet de serre tout en assurant à tous les Canadiens le revenu dont ils ont besoin pour avoir un niveau de vie adéquat, y compris la possibilité d'acheter leurs propres aliments. » 

De son côté, Arthur Stein, doctorant en science politique à l’Université de Montréal, dresse un parallèle entre les interventions étrangères en Afghanistan et récemment, au Mali. Deux approches similaires (s’allier à des milices locales), deux échecs. « En choisissant les groupes soutenus, et ceux exclus, les forces étrangères tracent arbitrairement des lignes entre les « bons » et les « méchants », les milices fréquentables et celles à combattre », écrit Stein. Mais ces groupes armés ont des intérêts très éloignés de ceux des armées étrangères, dont celui de poursuivre la guerre, qui leur est si payante. Ils deviennent incontrôlables et leur démobilisation après les conflits est un enjeu de taille.

Enfin pour terminer, la semaine a été marquée par la non-présence de Mark Zuckerberg à un Comité international sur les mégadonnées, la protection des renseignements personnels et la démocratie à Ottawa, malgré les nombreuses invitations des parlementaires canadiens. Je vous invite à lire ou à relire cet excellent article écrit par Jean-Hugues Roy, qui nous dit pourquoi il faut réglementer Facebook et les autres géants du web, « parce que nous sommes en 2019, M. Trudeau ».

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

À la une

Vue de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, prise le 4 mai 2017, et du bâtiment de confinement installé sur le réacteur numéro 4. Germán Orizaola

Tchernobyl: 33 ans après l'accident nucléaire, la nature se porte bien, merci!

Germán Orizaola, Universidad de Oviedo

Trente-trois ans après l'accident, Tchernobyl abrite une faune et une flore diversifiée, passant du statut de désert pour la vie à celui de zone d'intérêt pour la conservation de la faune.

Des professionnels de la santé enterrent un enfant mort du virus Ebola dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo. La propagation du virus ne donne aucun signe d'essoufflement. Hugh Kinsella Cunningham/EPA

Trois solutions radicales pour arrêter la propagation d'Ebola en Afrique

Mosoka Fallah, Harvard Medical School

Les faits sont incontestables : l'épidémie actuelle d'Ebola est en expansion et ne donne aucun répit. La méfiance envers l’autorité, la guerre civile et le virus constituent un cocktail explosif.

Prendre un petit-déjeuner faible en glucides peut aider à réduire les fringales plus tard dans la journée – une stratégie simple et efficace non seulement pour les personnes souffrant de diabète de type 2, mais pour quiconque désirant améliorer son alimentation. Shutterstock

Sans pain ni gruau, un petit-déjeuner faible en glucides réduit les poussées de glycémie du diabète de type 2

Jonathan Little, University of British Columbia

De nouvelles recherches montrent qu'un petit-déjeuner faible en glucides réduit à la fois les pics de sucre le matin et les envies de sucre le soir, chez les personnes atteintes de diabète de type 2.

Les nouvelles mamans ressentent beaucoup de pression pour allaiter. Lorsqu'elles ont de la difficulté à le faire, elles se sentent inadéquate et courent plus de risques de dépression post-partum. Shutterstock

Les difficultés de l'allaitement liées à la dépression post-partum chez les mères

Stephanie Liu, University of Alberta

Nouvellement maman, l'auteure, une médecin, s'est sentie inadéquate car elle avait de la difficulté à allaiter. Elle a découvert que les femmes dans sa situation courait plus de risques de dépression.

Donner des aliments qui, autrement, seraient envoyés dans des sites d'enfouissement ne contribue guère à assurer le bien-être des Canadiens qui vivent dans l'insécurité alimentaire. Shutterstock

Dons d'aliments aux organismes de charité: ce n'est pas une solution pour l'environnement… ni la pauvreté

Elaine Power, Queen's University, Ontario

Envoyer nos surplus alimentaires à des organismes de bienfaisances est une solution simpliste et moralement douteuse. Elle ne règle rien au problème qui cause la faim: la pauvreté.

Un militaire français à Tombouctou. Un règlement du conflit malien à court et moyen terme est aujourd'hui hors de propos, tant la logique militaire a pris le dessus sur une approche de résolution politique des différends. Shutterstock

Interventions étrangères: l'échec afghan se répète-t-il au Mali ?

Arthur Stein, Université de Montréal

Les pays intervenants ont peu appris de leurs erreurs. Leur appui fréquent à des groupes armés non-étatiques exacerbent les tensions interethniques et intercommunautaires.