Les tribunaux virtuels ont été fort utiles durant le confinement. Imaginez les délais en justice -déjà bien réels avant la pandémie- si tout s’était arrêté. Le virage technologique s’est donc opéré, partout au pays comme ailleurs dans le monde, avec procédures en ligne et procès virtuels. Il y a cependant un hic: «bien que leur utilisation apparaisse légitime durant la pandémie, les applications telles que Skype ou Zoom font obstacle au rôle du non verbal lors des procès», écrit Vincent Denault, de l’Université de Montréal.

Les gestes, les regards, les expressions faciales, et les postures permettent aux témoins de communiquer des émotions et des intentions, écrit-il, aux juges de favoriser l’empathie et la confiance, et aux avocats de mieux saisir les actions et les propos des témoins, leurs nuances, et de s’adapter en conséquence. «En réduisant l’information non verbale, les procès virtuels limitent la possibilité qu’ont les témoins d’être compris, d’avoir l’impression de l’être, et de comprendre les autres adéquatement.» Plusieurs juridictions ont annoncé que les salles virtuelles demeureraient ouvertes après la fin de la crise sanitaire, afin de favoriser l’accès à la justice. «Avant que des mesures temporaires, adoptées d’urgence, deviennent permanentes, ou que des lois soient modifiées, le rôle du non verbal lors des procès devrait être apprécié à sa juste valeur.»

L’ennui, dans les sociétés occidentales contemporaines, est généralement perçu comme déplaisant, inconfortable et non gratifiant, écrit Marie-Christine Brault, de l’UQAC. «Cette représentation négative est apparue en même temps que la modernité et s’est accrue avec l’augmentation des temps de loisirs, où le risque d’ennui est proportionnel au temps libre dont on dispose.» On imagine alors comment le confinement et l’arrêt de toutes les activités dues à la pandémie ont plongé les enfants dans le désarroi. «Nos enfants sont soumis dès leur plus jeune âge au rythme effréné de la vie moderne et apprennent à se faire organiser, à être dans l’action et à performer. Nos réactions d’adultes face à leur ennui ne font qu’accentuer cette vision négative et réaffirmer l’importance d’être occupé.» Ce n’est pas pour rien que nous préférons nous dire débordés, écrit Brault. «Il est mieux d’avoir l’air plus occupé, que de n’avoir rien à faire, au risque de s’ennuyer. Cela s’avère vrai pour les enfants aussi. Pourquoi ne pas plutôt s'attarder aux aspects bénéfiques de l'ennui et aider les enfants à l’apprivoiser? 

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  • Ce qui semble une bonne idée -la flexibilité des horaires de travail- est en fait un piège pour les femmes, écrit Grégor Bouville, de l’Université Paris Dauphine. «Nos travaux nous ont permis de mettre en avant les effets pervers des horaires flexibles: les inégalités femmes-hommes se traduisent notamment par des modes d’évaluation de la performance au travail différenciés et une intensification du travail pour les femmes.» Les femmes cadres, notamment, se font davantage contrôler. Par ailleurs, les horaires flexibles proposés aux femmes ont accru les attentes que pouvaient avoir leurs conjoints vis-à-vis de leurs responsabilités familiales et domestiques, ce qui a conduit à accroître le conflit entre vie privée et vie professionnelle. «Non seulement les horaires flexibles ne permettent pas d’améliorer leur conciliation entre vie privée et vie professionnelle, mais, dans le même temps, ils contribuent à intensifier leur travail.»

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

La pandémie de Covid-19 a forcé les tribunaux du pays à passer en mode virtuelle. Son adoption à plus long terme est-elle une menace pour la justice? Shutterstock

Rôle du non-verbal en cour : un danger sous-estimé de la justice virtuelle ?

Vincent Denault, Université de Montréal

En réduisant l’information non verbale, les procès virtuels limitent la possibilité qu’ont les témoins d’être compris, d’avoir l’impression de l’être, et de comprendre les autres adéquatement.

L’ennui, dans les sociétés occidentales contemporaines, est perçu comme déplaisant, inconfortable et non gratifiant. Le confinement a créé un contexte favorable à l’ennui chez les enfants. Shutterstock

Les enfants se sont ennuyés durant le confinement ? Normal, ils sont toujours occupés !

Marie-Christine Brault, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

Les enfants sont soumis dès leur plus jeune âge au rythme effréné de la vie moderne et apprennent se faire organiser, à être dans l’action et à performer. Le confinement les a déstabilisés.

Une plus grande autonomie accordée aux femmes cadres s’accompagne d’un renforcement du contrôle de leur performance au travail. Kaspars Grinvalds / Shutterstock

Pour les femmes, la flexibilité des horaires de travail se paye au prix fort

Gregor Bouville, Université Paris Dauphine – PSL

Ce système accentue au contraire les obstacles à la progression des carrières féminines en contribuant notamment à intensifier la charge de travail des femmes cadres.

En anglais sur The Conversation Canada