Les circonstances entourant le décès de Joyce Echaquan, à l’hôpital de Joliette, lundi, ont profondément choqué. La jeune femme de 37 ans, originaire de Matawan, a reçu une volée d’insultes racistes avant de mourir. L’horrible scène a été filmée et diffusée sur les médias sociaux. «On n’avait jamais reçu de plaintes» a dit un gestionnaire. Or, le centre hospitalier de Joliette est maintes fois cité dans le rapport de la Commission Viens. De nombreux autochtones ont témoigné d’insultes racistes, notamment. Mais voilà: ils n’ont pas filmé. Et aucun membre du personnel ne semble avoir dénoncé ces dérapages dans les médias.

Or, devant les mauvais traitements, le racisme ou la négligence, la loyauté envers la population doit primer sur celle envers l’employeur, écrit Pierre Pariseau-Legault, de l’Université du Québec en Outaouais et membre de l’Observatoire Infirmier. Son équipe de recherche étudie le phénomène de la dénonciation dans les soins de santé. Mais si certaines révélations permettent de faire éclater des scandales au grand jour et changer les choses, pour les lanceurs d’alerte, briser le silence peut coûter cher. Ils risquent de perdre leur emploi, voire être poursuivis par leur ordre professionnel pour «manque de loyauté envers l’employeur», sans compter le stress subi. «L’alerte éthique a aussi d’importantes conséquences sur le bien-être psychologique de la personne et sur la dynamique des équipes de soin», constate Pariseau-Legault. Bien que des lois existent pour protéger les lanceurs d’alerte, dit-il, la culture du silence prédomine encore. «Bien souvent, le processus d’alerte crée un conflit de loyauté chez le soignant, pris entre son employeur et son patient», constate le chercheur, qui prône la reconnaissance d’une plus grande autonomie morale du personnel soignant. 

Les trois-quarts du Québec ont basculé en zone rouge, cette semaine, et d’aucuns ont reproché au premier ministre François Legault et au directeur national de Santé publique, Horacio Arruda, de semer la confusion avec leurs messages à la population. Or, une bonne communication publique est essentielle si on veut que la population adhère à des changements de comportements, écrit Stéphanie Collin, de l’Université de Moncton, qui a étudié plusieurs cas survenus au Nouveau-Brunswick ces dernières années. «S’il est vrai que les cibles, peu importe si elles concernent un avenir faible en carbone ou l’accès à un médecin de famille, sont indispensables, les outils visant à les atteindre le sont autant.» 

Pour venir à bout de la pandémie de Covid-19, il faut un vaccin accessible à tous, et ce, rapidement. Voilà qui va totalement à l’encontre du processus classique - et long- de production d’un vaccin. Les crises passées ont cependant montré que le secteur biomédical peut réagir rapidement et innover. C’est d’ailleurs pendant la Première Guerre mondiale que les rayons X, développés deux décennies plus tôt, se sont imposés, rappelle Beatrice Melinek, chercheuse en biochimie à l’University College de Londres. «La Seconde Guerre mondiale est aussi à l'origine de la première production de masse d'antibiotiques», écrit-elle. La crise actuelle de la Covid-19 montre qu'il est possible de raccourcir les délais dans la mesure où des accords ont été conclus déjà entre les sociétés pharmaceutiques et différents pays. «Cela permet aux sociétés pharmaceutiques de prendre un risque commercial important en fabriquant des produits à grande échelle avant la fin des essais cliniques.» Ainsi, selon la chercheuse, il est permis d’espérer non seulement obtenir un vaccin plus vite, mais de profiter d’innovations qui auront des retombées pour de nombreuses années à venir. 

Imaginez un commerce qui dispose d’informations complètes et détaillées sur chaque transaction effectuée par chacun de ses cinq millions de clients, et ce, depuis des décennies. C’est ce que la société privée d’investissement Kingswood Capital Management a acquis lorsqu’elle a racheté l’entreprise canadienne Mountain Equipment Co-op (MEC). «La véritable valeur de MEC ne réside pas dans ses magasins, ses marchandises, sa marque ou même ses employés, mais bien dans ses données», écrit Michael Parent, de l’Université Simon Fraser. Les membres de MEC avaient toujours accepté aue leurs achats seraient enregistrés, en toute confiance. Elle a été brisée. Le nouvel acheteur va vouloir exploiter les données. «En acquérant cette organisation canadienne emblématique, Kingswood a compris ce que le conseil d’administration de MEC n’avait jamais su voir: la véritable valeur de l’organisme se trouve dans sa base de données.» 

À lire aussi:

  • Comme si la pandémie n’était pas suffisante, voilà que l’Afrique de l’Est subit la pire invasion de criquets pèlerins depuis des décennies. Ces insectes ravageurs ont déjà mis en situation d’insécurité alimentaire des milliers de personnes. Des experts donnent des pistes sur les moyens de prévention et de lutte contre ce péril.
  • Mafalda est orpheline! Son créateur, le dessinateur argentin Quino, est décédé le 30 septembre à l’âge de 88 ans. «Son humour subtil et poignant résonne dans le monde entier, écrit Mar Pérezts, à l’EM Lyon. Il demeure un puissant appel à résister à l’oppression et à travailler ensemble pour améliorer notre condition commune. Alors qu’il repose désormais en paix, Quino continue de nous inspirer.» 

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

La culture du silence dans le secteur de la santé expose les soignants à de nombreuses conséquences professionnelles, psychologiques et même légales. shutterstock

Culture du silence en santé : la loyauté envers la population doit primer

Pierre Pariseau-Legault, Université du Québec en Outaouais (UQO)

L’alerte éthique en santé est essentielle afin d’assurer la sécurité des personnes soignées. Confrontés à la culture du silence, les lanceurs d’alerte s’exposent toutefois à de lourdes conséquences.

Une manifestation devant l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick avant que le dépôt du budget, en mars 2019. Pour que des changements majeurs soient acceptés par la population, il faut suivre certaines règles de communication publique. La Presse Canadienne/Stephen MacGillivray

Les quatre piliers d’une bonne communication publique

Stéphanie Collin, Université de Moncton; Omer Chouinard, Université de Moncton

Si les cibles, peu importe si elles concernent un avenir faible en carbone ou l’accès à un médecin de famille, sont indispensables, les outils visant à les atteindre le sont autant.

En général, développer un nouveau vaccin et le commercialiser peut prendre jusqu'à 10 ans. Mongkolchon Akesin/Shutterstock

Coronavirus : comment l’industrie pharmaceutique innove pour produire un vaccin dans les meilleurs délais

Beatrice Melinek, UCL; Stephen Morris, UCL

Les crises représentent une occasion unique d’innover dans le domaine biomédical et de développer des technologies qui auront des retombées positives pour de nombreuses années à venir.

Un magasin Mountain Equipment Co-op à Montréal. La Presse Canadienne/Paul Chiasson

La valeur de Mountain Equipment Co-op réside dans ses données clients

Michael Parent, Simon Fraser University

Depuis sa création, MEC a recueilli des informations sur chaque transaction de chacun de ses cinq millions de membres. Dans l'économie numérique actuelle, ces données sont une mine d'or.

Des essaims de criquets pèlerins s'approchent du village de Lerata, à environ 300 kilomètres de la capitale kenyane, Nairobi, le 22 janvier 2020. Tony Karumba/Afp

Invasion de criquets pèlerins : le vieux cauchemar est de retour

Haithem Tlili, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN); Khemais Abdellaoui, Institut Supérieur Agronomique Chott Mériem (Université de Sousse); Laure Desutter-Grandcolas, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN); Manel Ben Chouikha, Université de Gabés; Mohamed AMMAR, Institut national agronomique de Tunisie (INAT)

La Corne de l’Afrique a connu cette année la pire invasion de criquets pèlerins depuis des décennies. Il est difficile de lutter contre cette menace, mais les moyens existent.

Joaquin Salvador Lavado, plus connu sous le nom de Quino, dessinateur de Mafalda est décédé le 30 septembre 2020. Alejandro Pagni/AFP

Mafalda orpheline : l’immense legs de Quino pour vivre mieux

Mar Pérezts, EM Lyon

Avec Mafalda, Quino s’est fait l’écho de nombreuses critiques sociales variant les sujets et tentant d’éveiller les consciences vers plus d’empathie.

En anglais sur The Conversation Canada