Ils avaient prédit une «vague bleue» favorable à Biden et n'avaient pas vu venir la victoire de Trump il y a quatre ans. Bref, on peut de moins en moins s'y fier. À qui? Aux sondeurs! Ils ont souvent tort, et c'est tant mieux, nous dit le philosophe Mario Ionuț Maroșan, de l'Université de Montréal. Les humains sont imprévisibles et complexes, ce que les techniques de sondages ne peuvent évaluer… «Le problème ne résiderait pas dans les sondages en tant que tels, mais plutôt dans la croyance en un type de société, de monde, qu'ils estiment prédire. C’est-à-dire un monde dangereusement stérile et prévisible, où les femmes et les hommes ne pourraient plus espérer introduire du nouveau dans le cours des événements» écrit l'auteur, qui remonte à Gallup, l'illustre sondeur des années 1950, pour expliquer d'où vient cette sacro-sainte croyance aux sondages qui guide aujourd'hui plusieurs décisions politiques (et dominent les plateaux d’analystes dans les médias). «Poser un regard de laboratoire sur des êtres humains n’est peut-être pas approprié : cela revient à s’efforcer de quantifier l’inquantifiable.»

Les bouleversements causés par la pandémie de Covid-19 partout sur la planète sont d'une telle ampleur qu'on peut penser que le monde ne redeviendra jamais tout à fait comme avant… Mais de quoi sera-t-il fait? Le professeur Adil Najam, doyen de la Frederick S. Pardee School of Global Studies de l'Université de Boston, a réalisé plus d'une centaine d'entrevues avec autant de grands penseurs et décideurs pour sonder leurs prédictions sur l'avenir. Il en ressort que la prochaine décennie ne sera pas un long fleuve tranquille! «L’impact mondial de la crise va accélérer les transitions déjà enclenchées», écrit le chercheur. L’économiste lauréat du prix Nobel, Sir Angus Deaton, s’inquiète notamment de nous voir entrer dans une ère de stagnation dont les effets pourraient se faire sentir encore pendant 20 ou 30 ans. Heureusement, tout n'est pas sombre. La crise créera aussi des opportunités. L’économiste Thomas Piketty reconnaît les dangers de la montée du nationalisme et des inégalités, mais espère que nous apprendrons à investir davantage dans les systèmes de santé et les infrastructures. Au bout de cet imposant exercice, Adil Najam conclut qu'un «retour à la normale» est non seulement impossible, mais pas du tout souhaitable. «Parce que notre monde d'avant était tout sauf normal», dit-il.

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Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

L'industrie du sondage est en crise. Elle a de la difficulté à prédire les intentions de vote et les comportements. Et c'est peut-être une bonne chose. Shutterstock

Les sondages ont souvent tort, et c’est tant mieux !

Mario Ionuț Maroșan, Université de Montréal

Le problème avec les sondages n’est pas qu’ils sont faux, mais qu’ils pourraient devenir vrais.

Adil Najam, professeur de relations internationales à l'Université de Boston, a interviewé 99 experts sur ce que nous réserve l'avenir post-pandémie. Centre Pardee / Université de Boston, CC BY-SA

À quoi ressemblera le monde post-Covid ? Voici ce qu’en pensent 99 experts

Adil Najam, Boston University

Il n’y aura pas de retour à la normale après la pandémie de Covid-19, en partie parce que le monde d’avant était tout sauf normal !

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