On l’a dit et répété: les femmes ont été les grandes perdantes de la pandémie. Elles ont été plus nombreuses à perdre leur emploi et plus tard, à le retrouver. La conciliation travail-famille a été plus compliquée pour elles que pour les hommes - un des effets s’est fait sentir en recherche, avec la baisse de publication chez les femmes chercheures.

Nous avons deux articles sur les effets néfastes de la pandémie: d’abord, Sophie Mathieu, experte de la politique familiale à l’Université de Montréal, sonne l’alarme concernant les services de garde en milieu scolaire. Pas un mot là-dessus lors des annonces du ministre Roberge. Comment les «classes-bulles» vont-elles évoluer après les heures de classe? On ne sait rien. Pourtant, ce service est absolument essentiel. «La relance économique n’est possible que dans un contexte où les parents peuvent compter sur un service de garde sécuritaire, ce qui inclut l’école. En omettant de discuter des services de garde, on attaque de manière pernicieuse les femmes sur plusieurs fronts.» D’abord, on néglige de reconnaître la valeur et l’importance de la prise en charge du travail de reproduction sociale, qui permet pourtant à l’économie de ne pas s’effondrer, écrit Mathieu. On oublie également de mettre en relief le rôle essentiel des éducatrices pour assurer la sécurité des enfants. «Enfin, on ferme les yeux sur un fait qui se révèle une fois de plus dans le contexte de la pandémie : au nom du bien-être et de la sécurité de leurs enfants, les mères risquent de prendre des décisions lourdes de conséquences sur l’égalité entre les genres. Mais pourquoi a-t-on oublié de parler du travail des éducatrices en milieu scolaire?»

Historiquement, les femmes courent après l'espace lorsqu'elles travaillent de chez elles, écrit Elizabeth Patton, de l’Université du Maryland, qui a consacré un ouvrage à l’histoire sociale du bureau à domicile, des premiers cabinets professionnels installés au rez-de-chaussée des demeures bourgeoises aux aménagements hétéroclites d’aujourd’hui. Il n’y a pas si longtemps, ce bureau aménagé était l’antre de l’homme de la maison, qui y recevait ses clients ou ses amis. Ce «leg» fait en sorte que les espaces de travail à la maison sont encore sexués, écrit Patton, les femmes se retrouvant bien souvent sur la table -voire le comptoir- de cuisine pour travailler. Le nombre de télétravailleurs a augmenté avec la fermeture de bureaux partout dans le monde. «Mais nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes : trop de travail et pas assez d'espace pour le faire. Et les femmes sont bien souvent les grandes sacrifiées.»

À lire aussi:

  • Toujours sur la question du travail à domicile, Erica Pimentel, de l’Université Concordia, estime que la Covid-19 aura peut-être un impact positif à plus long terme sur la culture du milieu de travail. «Que ce soit par l’apparition inopinée d’enfants ou d’animaux de compagnie à l’écran durant les appels Zoom, le télétravail a entraîné un relâchement des règles traditionnelles de présentation professionnelle. Résultat : le milieu de travail virtuel est non seulement plus souple, mais il est également plus empreint d’humanité.» Le télétravail permet d’avoir un aperçu de la vie privée de nos collègues, de nos clients, et même de nos supérieurs. Or, plutôt que de nuire à l’image professionnelle des gens, ces aperçus  peuvent améliorer les interactions en milieu de travail, estime l’auteure. 
  • En terminant, un sujet bien… français: porter un masque nous empêche-t-il de séduire? «Nous devons ainsi nous défaire d’un élément majeur du non verbal, notre sourire», écrivent les auteurs, qui livrent une analyse détaillée -et très scientifique- du sourire, moteur essentiel de notre communication.

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

shutterstock. Shutterstock

Rentrée : a-t-on (encore) oublié les éducatrices ?

Sophie Mathieu, Université de Montréal

La relance économique n’est possible que dans un contexte où les parents peuvent compter sur un service de garde sécuritaire, ce qui inclut l’école.

Lorsque toute la famille travaille de la maison, les femmes sont rarement gagnantes dans la bataille de l'espace et héritent souvent… du comptoir de cuisine. Shutterstock

Travail à domicile : dans la bataille pour l’espace, les femmes sont les grandes perdantes

Elizabeth Patton, University of Maryland, Baltimore County

Pendant des décennies, les espaces de travail à domicile ont été le refuge des hommes. Aujourd’hui, alors que de nombreuses familles travaillent sous un même toit, les femmes en paient le prix.

Apercevoir le bébé ou l'animal de compagnie d'un collègue peut aider à humaniser les lieux de travail et à rendre les collègues plus compréhensifs et empathiques - une conséquence positive du phénomène du travail à distance alimenté par la pandémie. Shutterstock

La Covid-19 aura-t-elle un impact positif et durable sur les milieux de travail ?

Erica Pimentel, Concordia University

Le travail à distance est là pour de bon, et il aura probablement un impact durable sur la façon dont travaillent les gens, notamment en rendant public leur espace privé.

Le masque cache l'un des atouts les plus importants dans le processus de séduction: le sourire. Caju Gomes/Unsplash

Porter un masque nous empêche-t-il de séduire ?

Cyril Tarquinio, Université de Lorraine; Camille Louise Tarquinio, Université de Lorraine

Les mimiques, les expressions faciales s’effacent sous le tissu. Nous devons ainsi nous défaire d’un élément majeur du non-verbal, notre sourire.

En anglais sur The Conversation Canada