Il y a cinquante ans dans quelques jours débutait le mois d’octobre le plus marquant de l’histoire du Québec: le 5, le diplomate britannique James Cross est victime du premier enlèvement politique en Amérique du Nord puis le 10, c’est au tour du ministre Pierre Laporte de subir le même sort. Ces deux événements s’inscrivent dans un contexte explosif, au Québec et dans le monde occidental. La jeunesse descend dans la rue, manifeste, parfois vandalise, se fait souvent matraquer, comme lors de l’émeute de la Saint-Jean-Baptiste, en 1968, voire tuer, comme sur le campus de l’Université Kent, en Ohio. En mai 1970, quatre étudiants y perdent la vie après que la Garde nationale tire lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam.

C’est ainsi qu’en octobre 1970, les autorités, tant fédérales, provinciales que municipales, paniquent, explique Éric Bédard, de l’Université TÉLUQ, auteur d'un ouvrage sur cette période trouble qu’il vient tout juste de rééditer et qui apporte de nouveaux éléments. «Perçue comme une sorte de bête fauve imprévisible, la jeunesse inspirait une véritable frayeur aux autorités. Elle allait au-delà de celle des indépendantistes.» Ainsi, pour comprendre les origines de la Loi sur les mesures de guerre, dit-il, il faut comprendre cette peur qu'inspire la jeunesse de l'époque. Elle en sera victime. Bédard a mis la main sur une liste de noms de personnes arrêtées dans la grande région de Montréal avec leur date de naissance: les trois quarts ont moins de 30 ans et 15 % moins de 20 ans. «Ce sont eux, essentiellement, qui étaient ciblés. Du moins ceux qui étaient engagés dans des mouvements dits subversifs.» La Loi sur les mesures de guerre va bien sûr créer une onde de choc chez cette jeunesse. C'était comme sortir un bazooka, écrit Bédard. Mais la mort de Pierre Laporte a eu un plus gros effet encore, selon lui. «Ça été comme un dur lendemain de veille. Finies la fête, l'innocence et la révolution lyrique. Tout ça s'est terminé lorsque l'on a retrouvé le cadavre de Pierre Laporte dans une valise d'auto.» 

L’arrivée -que l’on souhaite rapide!- d’un vaccin contre la Covid-19 suscite bien des questionnements: conçu et fabriqué à la vitesse grand V, sera-t-il sécuritaire? Efficace? L’épidémiologiste Charles Weijer, de l’Université Western, décortique méticuleusement toutes les étapes que les grands labos de recherche doivent suivre pour arriver à produire un vaccin qui sera homologué. Il analyse aussi les différentes approches développées par les principaux labos qui en sont aujourd’hui à la phase 3 de leurs processus. «Il existe de multiples façons d’y arriver, et donc, divers types de vaccins. Dans le cas où un vaccin contre la Covid-19 réussirait toutes les étapes des essais cliniques, nous avons de bonnes raisons de croire qu’il serait à la fois efficace et sans danger.»

Toujours avec la Covid (on n’y échappe pas cette semaine), et alors que les ratés du traçage «à la mitaine» attirent l’attention et qu’on en appelle à utiliser des applis de traçage basées sur l’IA, de multiples questions éthiques refont surface. Les développeurs tentent de faire vite (traçage mais aussi diagnostics, prévisions, etc). «Cependant, l’urgence d’agir ne doit pas miner notre capacité d’intervenir efficacement et sur les bons problèmes», écrit Pascale Lehoux, de l’Université de Montréal qui se demande comment, en temps de crise, innover de façon responsable. Il faut sortir du «sentier» qui a été tracé bien avant la pandémie et dont les écueils sont prévisibles. «Les solutions antérieures renforcent les choix technologiques, ce qui limite le développement de nouvelles entreprises et de nouvelles solutions.» 

À lire aussi:

  • Jeudi, la Cour supérieure du Québec a acquitté l’auteur Yvan Godbout et son éditeur d'accusations de production de pornographie juvénile, portées en raison d’une scène dans le roman Hansel et Gretel. Le juge Marc-André Blanchard a aussi invalidé des articles du Code criminel jugés contraires à la liberté d’expression. Je vous invite à lire -ou relire- cette analyse de l’affaire de Mathilde Barraband, professeure de littérature à l’Université du Québec à Trois-Rivières. 
  • Le tourisme spatial, illustré chez nous par l’escapade du richissime Guy Laliberté, il y a quelques années, a d’énormes conséquences sur l’environnement, démontrent des chercheurs français. «Au-delà de l’obscénité d’une opération visant à satisfaire le rêve d’un seul individu, ces excursions ancrent l’idée que l’espace est une marchandise. Elles consomment aussi matière et énergie, et ont des conséquences environnementales qui augmenteraient considérablement si ce tourisme spatial devait faire l’objet d’un commerce plus large.» 

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

Au centre Paul-Sauvé de Montréal, le soir du 15 octobre 1970, près de 3 000 Québécois gonflés à bloc croient le « grand soir » venu. Quelques heures plus tard, plusieurs vont être arrêtés ou seront l’objet d’une perquisition par les forces de l’ordre qui appliqueront la Loi sur les mesures de guerre. Éditions du Septentrion

Octobre 70 : l’État a eu peur de sa jeunesse

Éric Bédard, Université TÉLUQ

La loi sur les mesures de guerre est une réponse à la frayeur qu’inspirent les jeunes, que les autorités voient comme une menace incontrôlable.

Un technicien de laboratoire tient un flacon d’un candidat vaccin contre la Covid-19 dans le cadre d’essais au Centre de recherche Chula sur les vaccins, administré par l’Université Chulalongkorn à Bangkok, en Thaïlande, le 25 mai 2020. AP Photo/Sakchai Lalit

Voici comment fonctionnent les essais cliniques pour les vaccins contre la Covid-19

Charles Weijer, Western University

Un vaccin contre la Covid-19 sera-t-il sûr ? Les essais sur les animaux et l’humain et la surveillance post-approbation donnent de bonnes raisons de croire qu’un vaccin approuvé sera efficace et sûr.

Bien que l’avenir soit incertain, le développement technologique, lui, est prévisible. Oziel Gómez et Wang Kenan/Unsplash

IA, numérique et Covid-19 : peut-on innover de façon responsable ?

Pascale Lehoux, Université de Montréal; Carl-Maria Mörch, Université de Montréal; Hassane Alami, Université de Montréal; Robson Rocha de Oliveira, Université de Montréal

En temps de crise, comment innover de façon responsable ? En sortant du « sentier » qui a été tracé bien avant la pandémie et dont les écueils sont prévisibles.

Yvan Godbout, auteur du roman Hansel et Gretel, doit faire face à la justice pour avoir décrit le viol d'une mineure. Yves Légaré/compte FB d'Yvan Godbout

Ce qu'il faut comprendre de l'affaire Hansel et Gretel 

Mathilde Barraband, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

La description du viol d’une mineure dans un roman d’horreur est-elle un crime ? La responsabilité de l'écrivain en question au Palais de justice de Montréal.

Dennis Tito, premier touriste sur la Station Spatiale Internationale, rentre sur Terre. Alexander Nemenov/AFP

Tourisme spatial : quand les plaisirs de quelques-uns polluent la planète de tous

Roland Lehoucq, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA); Emmanuelle Rio, Université Paris-Saclay; François Graner, Université de Paris

Vous partiriez bien en vacances en orbite ? Le point sur la consommation énergétique et l’empreinte carbone de tels voyages touristiques.

En anglais sur The Conversation Canada