Comme bien des Québécois cet automne, je me suis mise avec enthousiasme aux conserves. Cette frénésie collective (qui rappelle celle de la production de pain, au printemps, pour laquelle je n’ai pas succombé), s’explique. Et c’est la professeure de l'Université Concordia, Geneviève Sicotte, fine analyste de ce qui se cache derrière l’acte de se nourrir, qui nous dit comment la pandémie de Covid-19 a créé un terreau fertile pour faire des conserves une valeur refuge.

«Ces merveilles échappent au temps et à la finitude», écrit-elle. Elles représentent un idéal de maîtrise technique. «Faire des conserves, c’est détenir une compétence, un savoir-faire. C’est avoir une prise sur le concret.» Elles comblent notre rêve d’autosuffisance, illustré par l’explosion des potagers urbains cet été. «Les conserves contiennent des aliments produits, cueillis et cuisinés localement. Dans ces bocaux, il y a un peu du territoire que nous habitons.» Et elles célèbrent le partage et le don: les conserves sont souvent faites en groupe et peuvent facilement être offertes. «Face à la pandémie, nous avons dû radicalement changer nos manières de vivre ensemble et d’interagir, écrit Sicotte. Plusieurs se sont trouvés isolés, coupés de leurs proches. Les conserves évoquent une cuisine par et pour la collectivité.» Et elles nous permettent de la rêver autrement.

Samedi, je suis retournée pour la première fois, depuis le début de la pandémie, dans une salle de spectacle : j’ai eu la chance d’assister aux Lettres biologiques, amours interdites, la correspondance sur la sexualité entre le Frère Marie-Victorin et Marcelle Gauvreau, lue par les excellents Yanick Villedieu et Céline Bonnier. La prestation se déroulait au Théâtre Outremont, qui affichait complet pour l’événement. La salle était évidemment à moitié vide, en raison des nouvelles normes sanitaires que nous impose la pandémie. Mais au moins, il y a eu une manifestation culturelle, et c'est le plus important, écrit Alexandre P. Bédard, de l’UQAM. «Nos recherches tendent à démontrer qu’à la suite d’une crise, qu’elle soit sanitaire, économique ou humanitaire, l’art et la culture sont des vecteurs indispensables tant pour la société que pour les communautés.» Même si l'actuelle pandémie est loin d'être terminée, il faut trouver des modèles d’affaires financièrement viables en ces temps de rassemblements distanciés, estime-t-il. «Pour cela, il faut du leadership et des ressources financières pour permettre aux Québécois de vivre une expérience commune, forte, identitaire et de se rassembler autour de l’art et de la culture, enjeu vital pour notre santé psychologique et notre cohésion sociale.» 

Les quelque 20 pour cent d’Américains qui suivent Trump quoi qu’il arrive - contrairement à un autre 20 pour cent qui votent pour lui parce qu’ils sont républicains ou qu’ils pensent qu’il réduira leurs impôts - sont en bonne partie des gens oubliés, ignorés, qui ne se sentent pas respectés, écrit Ron Stagg, de l’Université Ryerson. Une alliance diversifiée, qui comprend des électeurs des États du sud, des chrétiens évangéliques et des xénophobes, qui soutiennent les valeurs américaines traditionnelles «contre les changements destructeurs». À eux s’ajoutent les abandonnés de l’économie, qui souhaitent que les emplois manufacturiers reviennent chez eux. «Beaucoup d’entre eux ne se soucient pas des mensonges de Trump; tout ce qu’ils souhaitent, c’est qu’il parle de leurs problèmes», écrit Stagg. Ces partisans risquent-ils d’aggraver la situation à la prochaine élection ? «La violence est une possibilité réelle à mesure que la campagne progresse.» Et aussi après: si Trump perd contre Joe Biden, le nouveau président devra rapidement, estime-t-il, faire preuve de sympathie et d’empathie pour certains objectifs des partisans de Trump.

À lire aussi:

  • Toujours aux États-Unis, le décès, vendredi, de Ruth Bader Ginsburg, est une très mauvaise nouvelle pour les progressistes là-bas. La juriste de 87 ans, qui siégeait à la Cour suprême américaine depuis 1993, était une véritable icône des luttes féministes et, plus globalement, des droits des minorités. Geetha Ganapathy-Doré, de l’Université Sorbonne Paris Nord, revient sur son destin exceptionnel et ses nombreux combats. 

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

En ces temps de pandémie, faire des conserves, c’est détenir une compétence, un savoir-faire. C’est avoir une prise sur le concret. Shutterstock

En temps de pandémie, voici ce que dit notre engouement pour les conserves

Geneviève Sicotte, Concordia University

Dans des temps incertains et difficiles, la cuisine devient une valeur refuge. Elle propose un but simple à atteindre, scande le temps, nous plonge dans le concret et stimule nos sens.

Des musiciens respectent la distanciation physique lors d'une pratique à Vancouver, en août. L'art et la culture sont essentiels au mieux-vivre ensemble. La Presse Canadienne/Darryl Dyck

Les arts et la culture sont essentiels et il faut poursuivre leur déconfinement

Alexandre P. Bédard, Université du Québec à Montréal (UQAM); Caroline Coulombe, Université du Québec à Montréal (UQAM); Karine Rajoelisolo Debergue, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Après une crise, sanitaire, économique ou humanitaire, l’art et la culture sont des vecteurs indispensables tant pour la société que pour les communautés et les citoyens.

Des partisans applaudissent le président américain Donald Trump lors d'un rassemblement au Nevada, le 13 septembre 2020. (AP Photo/Andrew Harnik)

Pourquoi les inconditionnels de Trump ignorent ses mensonges

Ron Stagg, Ryerson University

Qui sont les partisans inconditionnels de Donald Trump et pourquoi représentent-ils une menace croissante de violence lors des prochaines élections américaines – et après ?

Des milliers d'Américains ont déposé des fleurs, des photos et aussi cette statuette devant la Cour suprême, à Washington DC., en apprenant le décès de Ruth Bader Ginsburg survenu le 18 septembre 2020. Jose Luis Magana/AFP

Ruth Bader Ginsburg, une vie de combats

Geetha Ganapathy-Doré, Université Sorbonne Paris Nord – USPC

Retour sur la vie et l’œuvre de Ruth Bader Ginsburg, qui fut juge à la Cour suprême des États-Unis pendant 27 ans et fit beaucoup pour les droits des minorités.

En anglais sur The Conversation Canada