La pandémie n’a pas été bonne pour personne, mais on sait qu’elle a été particulièrement dure envers les femmes: elles ont été plus nombreuses que les hommes à perdre leur emploi, les programmes d’aide économique leur sont peu ou pas destinés et la tâche de prendre soin des enfants privés d’école ou de services de garde leur a été majoritairement dévolue. Mais voilà que se confirme ce que plusieurs redoutent: la pandémie freine l’avancée des femmes dans les hautes instances universitaires.

«Comme le poids des tâches familiales est généralement davantage porté par les femmes que par les hommes, les professeures peinent à dégager la marge de manœuvre nécessaire à la production d’articles scientifiques», constatent Louise Champoux-Paillé, cadre en exercice à la John Molson School of Business de l’Université Concordia et la doyenne de l’école, Anne-Marie Croteau. Ce ralentissement dans la production féminine de recherches scientifiques aura assurément un impact sur la représentation féminine au sein des échelons supérieurs de nos universités, qui utilisent ce critère pour les promotions. Sans compter que les femmes sont limitées par la pandémie dans le type de recherche qu’elles mènent, plus souvent qualitative. «L’impossibilité pour plusieurs d’entre elles de collecter des données signifie aussi l’impossibilité de publier des articles, écrivent les auteures. Elles prennent ainsi du retard par rapport aux chercheurs qui utilisent les données secondaires et des méthodes quantitatives, et qui se trouvent à être majoritairement des hommes.» Si nous manquons de vigilance, préviennent-elles, les gains réalisés par les femmes professeures à l’université au fil des ans pourraient être grandement fragilisés, voire anéantis.

Il y a 19 ans, en octobre 2001 éclatait le scandale d’Enron, l’une des pires fraudes financières de l’histoire. Depuis, plusieurs initiatives ont vu le jour pour améliorer la gouvernance des entreprises cotées en Bourse, dont l’adoption des Normes internationales d'information financière (IFRS) pour rendre comparables les informations financières d'un pays à l’autre. Ces normes sont aujourd’hui utilisées dans environ 160 pays. Mais elles ne remplissent leurs promesses qu’à moitié, constate Félix Zogning, de l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Elles sont certes pertinentes et peuvent permettre aux analystes financiers de faire des prévisions plus précises, mais leur fiabilité est discutable. Le problème : le concept de juste valeur, ou valeur marchande, appliqué aux actifs d’une entreprise. «Cette latitude donnée aux dirigeants d’évaluer les actifs à leur valeur potentielle de marché est de nature à favoriser la comptabilité créative», note le chercheur. 

Les prix Nobel ont été décernés la semaine, et celui de physiologie ou médecine a retenu l’attention du professeur émérite John Bergeron, de l’Université McGill et pour cause: il a été décerné à un trio de virologistes dont Michael Houghton, un chercheur albertain qui travaille à la découverte du virus de l’hépatite C. «Cette reconnaissance représente une fois de plus un bel exemple de l’importance de faire de la recherche fondamentale afin de faire face aux ravages des maladies virales, responsables de millions de morts partout dans le monde», écrit Bergeron. Semblable au virus SARS-CoV-2, l’hépatite C est un virus à ARN. Aucun vaccin efficace n’est encore disponible, mais les découvertes scientifiques fondamentales des lauréats du prix Nobel ont contribué au développement de médicaments antiviraux qui guérissent aujourd’hui plus de 95% des personnes infectées. Houghton et son équipe ont mis au point un vaccin contre l’hépatite C qui fait actuellement l’objet d’essais précliniques. Il est également en première ligne dans la lutte contre la pandémie de Covid-19.

À lire aussi: 

  • Depuis de nombreux mois, médecins et scientifiques cherchent à comprendre ce qui se passe dans le corps des patients victimes de formes sévères de Covid-19. La réponse immunitaire de ces malades seraient en cause, explique Matthew Woodruff, de l’Université Emory. Cette réponse présente en effet des similitudes troublantes avec les anomalies constatées dans certaines maladies auto-immunes.

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

La recherche faite par les femmes, souvent plus qualitative, est plus vulnérable aux effets du confinement. shutterstock

La pandémie pourrait avoir un impact sur la place des femmes dans nos universités

Louise Champoux-Paillé, Concordia University; Anne-Marie Croteau, Concordia University

Comme le poids des tâches familiales est davantage porté par les femmes, les professeures peinent à dégager la marge de manœuvre nécessaire à la production d’articles scientifiques.

Cela fait 15 ans que les Normes internationales d’information financière (IFRS) ont été adoptées pour rendre comparables les informations financières d’un pays à un autre, et faciliter l’exercice de consolidation des états financiers par des multinationales. Shutterstock

Près de 20 ans après le scandale Enron, où en sont les normes comptables ?

Félix Zogning, Université du Québec en Outaouais (UQO)

Certains pays se soumettent maintenant exclusivement aux Normes internationales, alors que ce référentiel ne tient pas toutes ses promesses d’une meilleure information financière.

On estime que l'hépatite C a causé la mort de 400 000 personnes en 2016. Shutterstock

Comment la découverte de l’hépatite C par un chercheur albertain a conduit au prix Nobel et sauvé des vies

John Bergeron, McGill University

Michael Houghton, un virologiste basé à Edmonton, a été l’un des lauréats du prix Nobel de médecine cette année pour la découverte de l’hépatite C.

Les patients atteints de formes sévères de Covid-19 sont-ils victimes de leur propre réponse immunitaire ? Joaquin Sarmiento/AFP

Les formes sévères de Covid-19 seraient liées à une réponse anticorps de type auto-immune

Matthew Woodruff, Emory University

Les patients souffrant de Covid-19 sévère peuvent présenter une réponse anticorps délétère, similaire à celle observée dans les maladies auto-immunes.

En anglais sur The Conversation Canada