Vous n’en avez sans doute jamais entendu parler et pourtant, des millions de personnes en sont infectées chaque année: la leishmaniose, une maladie tropicale mangeuse de chair causée par un parasite, passe sous le radar en Occident. Elle peut être mortelle si elle n'est pas traitée. 

Or voilà: le parasite est parmi nous! Ce sont des chiens importés qui l’auraient introduit en Amérique du Nord, dont au Québec. «Notre laboratoire a reçu des rapports d’au moins dix cas au Québec en l’espace d’un an», explique Victoria Wagner, vétérinaire et étudiante en parasitologie moléculaire à l'Université de Montréal, qui signe cet article aux côtés des chercheurs Christopher Fernandez-Prada de l'Université de Montréal et Martin Olivier, de l'Université McGill, une sommité mondiale de la leishmaniose. «Nous y avons été nous-mêmes confrontés: un chien importé avec ce qui ressemblait à des blessures de combat a reçu ensuite un diagnostic de leishmaniose.» La réglementation relative à l’importation d’animaux de compagnie au Canada est laxiste. Le diagnostic et le traitement de cette maladie peu connue sont compliqués. «Cela met en danger la santé du patient et, en fin de compte, celle du public», écrit Wagner. Les chercheurs tirent la sonnette d’alarme. Il est impératif de rendre obligatoire la déclaration des cas de leishmaniose canine par les vétérinaires et de revoir la réglementation relative à l’importation d’animaux. Ils plaident aussi pour une approche intégrée où collaboreront les décideurs politiques, les vétérinaires et les responsables de la santé publique pour gérer la leishmaniose au Canada et aux États-Unis.

Les communautés autochtones observent souvent depuis longtemps ce que la science met des années, voire des siècles à constater. Ce savoir traditionnel, souvent transmis verbalement, d’une génération à l’autre, est ignoré et souvent méprisé par la communauté scientifique. À tort, estime Véronique Dubos, doctorante à l’Institut national de la recherche scientifique. «Comme la science, ce savoir est issu d’observations détaillées, patientes, régulières et récurrentes. Comme elles sont faites à des fins de subsistance, elles sont généralement fiables et rigoureuses.» Cette jeune scientifique, qui s’intéresse à l’habitat de l’omble chevalier, a interrogé les aînés inuits au sujet des déplacements de cette espèce, qui change de lac d’un hiver à l’autre. Leur réponse : tout simplement parce qu’ils le choisissent, comme les Inuits, introduisant ainsi la notion de libre arbitre dans l’étude du comportement des animaux. Cette vision peut paraître simpliste, mais elle ouvre la porte à des méthodes de recherche plus intuitives et moins strictement quantitatives. «Quelle que soit leur discipline, les scientifiques qui étudient des territoires où il existe un savoir traditionnel auraient avantage à l’écouter, ne serait-ce que pour se mettre au défi de voir les choses sous un angle nouveau.» 

À lire aussi: 

  • Enfin, le professeur émérite de McGill, John Bergeron, revient sur l'attribution des prix Nobel, il y a deux semaines, notamment celui de chimie, décerné à la Française Emmanuelle Charpentier et à l'Américaine Jennifer Doudna pour le développement d’une technologie révolutionnaire permettant de modifier les gènes et connue sous le nom de CRISPR-Cas9. C’est que les découvertes antérieures d'un scientifique québécois, Sylvain Moineau, de l’Université Laval, et des chercheurs Rodolphe Barrangou et Philippe Hovath, sur le système immunitaire adaptatif des bactéries, constituent la base qui a mené à cette technologie. «Aucun prix Nobel n'a encore été décerné pour cette découverte, écrit Bergeron. L'espoir est maintenant très grand pour que le trio soit reconnu par le comité dans un avenir très proche.» Plus généralement, Bergeron se réjouit du succès des scientifiques canadiens au niveau mondial. Michael Houghton, de l'Université de l'Alberta à Edmonton, a en effet reçu un prix Nobel pour sa découverte du virus de l'hépatite C. «Cette reconnaissance démontre une fois de plus la qualité exceptionnelle et le très haut niveau des universités canadiennes», qui ont besoin, selon Bergeron, «des mécanismes stables de financement de la recherche».

Bonne lecture !

Martine Turenne

Éditrice, La Conversation Canada

La leishmaniose — une infection parasitaire qui provoque des plaies cutanées — a été découverte chez des fox-hounds en Amérique du Nord. Shutterstock

Un parasite mangeur de chair transporté par les chiens fait son apparition en Amérique du Nord

Victoria Wagner, Université de Montréal; Christopher Fernandez-Prada, Université de Montréal; Martin Olivier, McGill University

Des chiens importés au Canada ont introduit un parasite mangeur de chair transmissible aux humains. Vétérinaires, chercheurs et responsables de la santé publique doivent y faire face ensemble.

Un pêcheur inuit creuse la glace de façon traditionnelle afin d'installer ses filets. Véronique Dubos

Nourrir la science grâce au savoir traditionnel inuit

Véronique Dubos, Institut national de la recherche scientifique (INRS)

Les Inuits conçoivent que tous les êtres vivants ont un certain libre arbitre. Et si la rigide science cartésienne s’ouvrait un peu à cette vision du vivant ?

L'acronyme CRISPR signifie répétitions palindromiques courtes régulièrement espacées groupées, comme on le voit sur cette photo. Ces répétitions de séquences d'ADN retrouvées dans les bactéries sont séparées par des « espaceurs » dont les séquences diffèrent d’une bactérie à l’autre. Shutterstock

Prix Nobel : les chercheurs canadiens aspirent à plus

John Bergeron, McGill University

Le prix Nobel reçu par un chercheur de l’Université de l’Alberta démontre la qualité exceptionnelle et le très haut niveau des universités canadiennes. Et un autre prix Nobel pourrait suivre sous peu.

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  • Covid-19 : une course au vaccin aux lourds enjeux financiers

    Jérôme Caby, IAE Paris – Sorbonne Business School

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